La peur qui ne tient qu’à un cheveu

Josée Durocher

Histoire de ma première crise panique

« J’avais à peine cinq ans et j’étais effrayée par ce dont j’avais été témoin, par ce que je vivrais quelques jours plus tard et par ce qui allait m’arriver. La peur, c’était la première fois que je l’expérimentais ainsi et elle m’accompagnerait une bonne partie de ma vie. »

Le commencement

C’était septembre. Ma première rentrée scolaire dans la classe maternelle de madame Denyse promettait plein d’aventures et de nouvelles rencontres. J’avais le trac, mais il me plaisait de le ressentir. Je me sentais un peu comme la veille de Noël, vous savez? Juste avant de déballer les cadeaux.

Nous étions là, en ce grand jour. Ma tante, ma gardienne préférée, ne se doutait pas que j’avais aussi les nerfs en boule à cause d’un événement tragique qui s’était déroulé quelques jours auparavant.

J’ai vu un accident si dramatique que n’importe qui, même un adulte, ne s’en serait pas sorti intact.

La classe de maternelle

La cloche sonnait le moment d’entrer en rangs depuis un moment déjà et je m’accrochais aux jupes de ma tante comme si ma vie en dépendait! Je ne voulais plus connaître madame Denyse et les amis de ma classe de maternelle. Je ne voulais plus des formidables jeux qui se retrouvaient dans son local. Je voulais ma mère et mon père.

Néanmoins, avec quelques gentillesses, ma tante et madame Denyse eurent tôt fait de me convaincre de rentrer dans le rang et pour un instant… j’ai oublié ce que j’avais vu durant le week-end précédent.

Mon petit trac normal s’est toutefois rapidement transformé en une immense nervosité. À cette époque, je ne connaissais pas les mots qui désignaient mon état. Aujourd’hui, quand je vis les mêmes émotions et sentiments, je sais que c’est de l’anxiété. Je respire toujours un bon coup, histoire que tout cela ne dégénère pas en crise panique.

Avec mes camarades de classe, tous assis en cercle, nous devions nous présenter à tour de rôle. Le premier à effectuer ses présentations était à ma gauche, j’allais donc être la dernière à m’exécuter.

Plus le temps passait, plus les amis se présentaient, moins j’étais attentive à ce qui se passait. Mon cœur battait la chamade et, pour me calmer, je me suis mise à me faire des frisettes avec mon index gauche en jouant dans mes cheveux.

Un index  pris au piège

Quand j’ai retiré ma main parce que je me rendais compte que je pourrais très bien attirer l’attention sur moi ainsi, un cheveu est resté enroulé sur mon doigt. Machinalement, je l’ai saisi entre mon pouce et mon index droit et je passais mon stress à l’enrouler encore, mais cette fois bien serré sur mon index gauche.

Je venais de trouver un moyen de me soulager de cette trop grande nervosité qui m’habitait. Bien vite, mon esprit me joua des tours et je n’étais plus dans ma classe de maternelle, mais devant cet affreux accident que j’avais vu. En fait, je le repassais, sans contrôle, en boucle dans ma tête.

C’est une douleur intense au doigt de la main droite enroulé par un cheveu qui me sortit de mon état. Comme j’avais mal. J’avais si mal que je n’osais regarder. Et quand, rassemblant mon courage, je l’ai fait, j’ai bien vu que mon cheveu s’était noué autour de mon index et que je ne pouvais plus l’enlever.

J’avais le bout du doigt bleuté et la douleur lancinante se faisait sentir sur son extrémité. Là, la panique est embarquée. Première crise à vie! Et pas la moindre, je vous l’assure. Parce que peu importe l’âge que nous avons, lorsque cela nous arrive, on a véritablement peur.

Moi, j’ai eu peur de perdre mon doigt. Je l’imaginais se détacher de ma main, tomber et rouler au centre du cercle que nous formions, les amis et moi.

La libération

Ma respiration s’est accélérée. J’hyper ventilais et je ne comprenais toujours pas ce que je vivais. Cela ajoutait au stress, que dis-je? Au sur-stress que je vivais.

Heureusement pour moi, madame Denyse s’est rendu compte que j’avais perdu le contrôle et est venue à mon secours. Elle a bien tenté de me libérer de ce nœud récalcitrant, en vain. C’est avec l’aide de ciseaux qu’elle y est parvenue. J’ai cru mourir de peur!

Mon histoire se termine bien. Avec tous ces bouleversements, j’ai échappé à ma présentation et j’ai pu jouer directement avec les jeux.

Mais j’avais attiré l’attention avec tout ça et c’était la chose que je ne voulais pas. C’est donc en faisant parler de moi que mon primaire commençait et cela n’irait pas en s’améliorant, croyez-moi.

Les troubles anxieux sont plus fréquents qu’on ne le croit. Qu’on soit enfant, adolescent ou adulte, ils peuvent nous assujettir si nous ne réagissons pas.

Plus tard dans ma vie, j’ai même fait une thérapie de désensibilisation à un trouble de phobie sociale pendant deux ans. Et puisque le terme est très in en ce moment, je peux vous assurer que je suis sortie de ma zone de confort plus d’une fois.

Le quotidien

Pour dire vrai, chaque jour apporte son lot de défis petits ou grands. Il y a même des matins où je m’éveille la gorge nouée par la peur. La différence entre avant et maintenant c’est que maintenant, j’ai certains outils pour vivre une vie plus intéressante. Mais des sorties de zones, j’en fais régulièrement.

Vous écrire ce texte en aura été une. Revivre tout ça a fait remonter des souvenirs difficiles à gérer. Aujourd’hui, je choisis la méditation pour calmer la petite fille de maternelle qui panique toujours lorsqu’elle pense à son premier jour d’école.

Pensez-y bien

Sans alarmer l’intéressé, soyez tout de même à l’affut des malaises nerveux que peut vivre un individu, qu’il soit enfant ou adulte. Un élément déclencheur l’aura peut-être mis sur la voie de troubles panique,  ou de phobies. Heureusement, de nos jours, nous sommes plus à l’écoute des tout-petits.

Parce qu’ils deviendront grands un jour et qu’ils auront tout au long de leur vie des défis bien personnels, demeurons vigilants quant aux choses qu’ils peuvent voir ou vivre et qui les suivront toute une vie.

Et de grâce, ne jugez pas la personne anxieuse.  L’anxiété n’est pas un choix de vie.

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