Cet article fait suite à celui-ci : Bas les masques : le processus d’individuation s’enclenche
Ce témoignage écrit par James, un surnom, 39 ans, qui a collaboré, il y a quelques années, à la réalisation de mon livre Relire sa vie, explique parfaitement ce qui se passe, lorsque nous arrivons au mitan de notre vie, devant cette porte qui s’entrouvre. Une porte tournante, parfois, que l’on peut franchir pour entrer dans le mitan, ou pour revenir là où nous en sommes.
Du côté où nous nous trouvons, plusieurs ont l’impression de pouvoir encore rester d’éternels adolescents sans souci et sans trop de responsabilités. Nous ne savons pas trop ce qui nous attend de l’autre côté de la porte. Ce qui est sûr, c’est que rien ne sera plus jamais comme avant et qu’il sera quasiment impossible de revenir en arrière si ce que nous y trouvons ne nous satisfait pas. Franchir cette porte peut impliquer de renoncer à une certaine légèreté et à l’insouciance de la jeunesse. C’est être obligé de redéfinir nos priorités, nos valeurs et nos intérêts afin de devenir une « grande personne ». C’est laisser notre vie derrière nous, pour pouvoir en commencer une toute nouvelle. Mais il est attirant aussi de penser que quelque chose de nouveau nous attend de l’autre côté de la porte et qu’il ne tient alors qu’à nous de l’aménager à notre façon. Nous avons encore le temps et la possibilité de tout recommencer s’il le faut.
Les tâches développementales et le mitan de la vie
Avant « d’écouter » ce que James a à nous dire, voici un rappel rapide de chacune des étapes du mitan et des tâches à accomplir avant d’entrer dans celle qui suit. Les âges ne sont pas figés et peuvent varier à quelques années près.
- 36 à 40 ans. Devenir un adulte à part entière. Tout en continuant à gravir les échelons, le besoin d’autonomie (devenir soi-même) est de plus en plus pressant.
- 40 à 45 ans. La transition vers le mitan. Faire le point sur le passé et vérifier ce qui reste à faire.
- 45 à 50 ans. L’entrée dans le mitan. Se renouveler pendant qu’il est encore temps. Faire de nouveaux choix de vie et donner vie à ses rêves.
- 50 à 60 ans. Le cœur du mitan. Accepter de vieillir. S’adapter lucidement au vieillissement. Devenir plus souple, plus tolérant, plus chaleureux. Chercher à aider les autres. Autant ses enfants que les inconnus.
L’entrée dans le mitan de James : Je suis à la croisée des chemins
Je suis pris entre les démons de mon adolescence et la sagesse de l’âge. Je réalise de plus en plus que ma vie avance à une vitesse « grand V » et que je n’aurai pas suffisamment de temps pour tout faire! Cela m’angoisse parfois. Depuis bientôt neuf mois, je me pose toutes sortes de questions à propos de mon avenir. Le bilan de mon passé est plutôt positif, mais je me demande si je dois continuer comme avant ou plutôt faire changer les choses dans tous les secteurs de ma vie : ma situation professionnelle, ma vie amoureuse, ma vie sociale et ma santé. Où en suis-je avec mes rêves et mes aspirations d’universitaire ?
Il y a vingt ans, je m’imaginais, comme certains de mes camarades de classe, vice-président d’une grande organisation. Nous aurions un grand bureau et des responsabilités de décideurs. Dès le premier jour où j’ai occupé un emploi, j’ai observé le vice-président de l’organisation pour laquelle je travaillais. Bien habillé, une bonne stature et une agréable façon de s’exprimer. Les gens l’appelaient « Monsieur ». Lui parler quelques minutes lors d’un cocktail était un privilège pour l’humble employé comme je l’étais. Aujourd’hui, je n’ai pas atteint mon objectif et je me demande si je suis trop impatient, trop idéaliste, trop irréaliste ou… carrément « déchu ». Avec les années, j’ai réalisé que j’idéalisais ces personnes, tout comme l’image que j’avais de moi-même. Plus le temps passe et moins j’accorde de l’importance au statut social. Mais l’urgence du temps pour fonder une famille me tenaille. Sera-t-il raisonnable de le faire après la quarantaine ? Je me demande même si ma compagne actuelle est la bonne personne pour cela! Si je pense que non, c’est aussi une question de respect envers elle que d’aborder la question. J’ai perdu des amis, morts du cancer et cela me fait réfléchir.
Qu’est-ce qui a vraiment de la valeur pour moi ? Quelles sont mes priorités ? J’aimerais les déterminer rapidement. Je veux aussi distinguer les mythes des réalités, dans MA VIE. Comment puis-je faire face à certaines déceptions et à des rêves ou des ambitions déchus ?
Je prends conscience tout à coup que le temps est en train de me filer entre les doigts. Je dois m’arrêter pour prendre le temps de regarder ce qui se passe en moi, autour de moi, dans la société.
À suivre : Le mitan, le temps des turbulences