Il semble que ce moment de l’année soit dédié au cancer. Ce qui a fait remonter des souvenirs et des expériences. Voici plus ou moins dix ans, ma compagne a vécu le cancer du sein. J’allais écrire « le sien » comme si la chose devenait banale et anecdotique. Oui, vu de l’extérieur ça l’est relativement. À l’époque, bien obligé, cela m’a contraint à m’interroger sur ce qui se passe dans la tête de « l’autre » homme ou femme qui vit AVEC la personne atteinte et, encore plus, lorsqu’il y a des complications.
À la base, pour un homme, si l’on me permet une comparaison osée c’est un peu comme lorsque votre femme attend un enfant, ça se passe en dehors de soi. Elle a quelque chose dans son corps, elle peut partager des sensations, des émotions, mais on ignore la réalité de ce qu’elle vit. Dans son cas, le cancer était un « bidule » gros comme un ongle. Rien d’énorme, mais bien suffisant pour transformer le quotidien. La veille tout allait bien, elle était en forme, souriante pleine d’énergie; après le téléphone, c’était l’inquiétude, l’abattement, les idées de mort. Et, d’un coup, tout change pour des mois. Un seul objectif : la guérison.
Chez elle, le pilote automatique s’enclenche, sans trop de questions et, surtout, sans grande émotion apparente. Venues de nulle part, des dizaines de personnes surgissent dans votre vie, car elles ont connu la chose ou avaient un proche qui… Ça permet d’évacuer le trop-plein. Mais VOUS, ça vous met rapidement en marge. Sans compter, à l’époque, les livres de Servan Schreiber et de Béliveau et la voilà dans un « nuage parfumé à l’ail ».
Tout ce que je peux offrir, moi, c’est d’être là, de cultiver l’humour et de multiplier les séances de détente afin d’écarter le stress; de la préparer mentalement pour l’opération à venir en plus d’anticiper, déjà, une parfaite cicatrisation. Le lien à l’autre se résume rapidement à 4 options.
- Le couple
- La solitude
- La tribu
- L’équipe à deux
Le couple
S’il apparaît au premier abord, comme un appui stable et solide, a souvent le tort de mettre en scène deux individus assez proche ou trop proche pour en être devenu identique. C’est-à-dire que leurs humeurs, leurs actions et leurs déprimes fluctuent à l’unisson. S’ils font front ensemble, ils sont touchés pareillement, même le rescapé est atteint et il a toutes les misères du monde à devenir un soutien réel.
Le ou la solitaire
Doit encaisser, seul (e), les chocs les uns après les autres. Il lui faut absolument rejoindre un groupe de soutien ou avoir au moins quelques amis fidèles pour traverser l’enfer. Il s’agit de pouvoir parler à des personnes qui ont subi le même drame et à d’autres qui vont pouvoir épauler.
La tribu
Est tout à l’opposé de ce que connaît le solitaire, il s’agit souvent d’une famille tricotée serrée ou de vrais amis en nombre. Il y a toujours quelqu’un à portée de voix. Toujours de l’aide disponible, souvent de longue prise en charge.
L’équipe à deux
C’est plutôt le cadre de l’expérience vécue ici, certes nous avions des amis et des ressources, mais le gros du travail s’est fait à deux. La différence entre équipe à deux et couple c’est qu’ici il n’y a pas d’osmose devant l’adversité, mais une bagarre orchestrée dans laquelle chacun utilise les moyens à sa disposition.
De manière générale, la chose est humaine, au début, tout le monde vient donner son coup de main et apporter son grain de sel. Ensuite…. Ensuite la capacité à générer de l’humour sera importante.
Et puis la première réalité apparaît : la durée. C’est une chose que l’on n’envisage pas à la base. Pour nous, l’épreuve n’aura duré QUE cinq mois, pourtant, rapidement ce fut la fatigue, l’accumulation de petites contrariétés, et surtout cette présence perpétuelle qui mine les forces si l’on ne dispose pas d’un mécanisme de récupération efficace. On a beau être bien avec l’autre, on a beau être amoureux, au fur et à mesure, on recherche des périodes de solitude et de paix. L’hypersensibilité s’installe, le sexe devient évanescent et souvent à sens unique. Il faut en parler c’est un élément important. Pour l’homme, l’imaginaire sur ce plan devient essentiel même dans un acte accepté, mais peu partagé. On est ensemble, tout seul(e).
Lorsque l’homme est touché, les compagnes sont assez unanimes sur le réflexe de replis et de silence du conjoint. La prison intérieure est privilégiée au partage. Il faut parfois se bagarrer pour obtenir une parole, une émotion, l’expression d’une inquiétude vraie, voire d’une peur latente. À partir de là, le chemin se fait plus facilement.
Inutile de dire que lorsqu’arrivent enfin l’opération et la récupération on respire et l’on accueille la fin heureuse, la rémission. Erreur! Autre chose nous attend qui n’est pas prévu.
Apparaît la chair, la longueur de l’incision au sein. Une partie du parenchyme mammaire a été enlevé aussi, laissant un léger creux. Pour combler ce vide, la solution la plus commune est un implant posé lors d’une chirurgie de reconstruction. Solution écartée, on mise sur l’adaptation. Surviennent ensuite la fragilité des sensations, les craintes du frottement ou de la caresse, la remise en place des gestes intimes. L’acceptation de la nouvelle « autre » et, la difficulté d’écarter l’imaginaire pour revenir au senti. Cela peut prendre encore beaucoup de temps.
Toutes ces étapes, ces détails du processus ne peuvent se connaître que de l’intérieur. Désormais, je sais que lorsque je dois aider une personne vivant un cancer, je demande à travailler aussi avec « l’autre » partie du couple. Dans plusieurs cas, la personne en santé va plus mal que la personne atteinte.
J’ai pris conscience au travers de cette expérience des difficultés que certains doivent rencontrer, sans aide immédiate, ou sans soutien au long terme. C’est bien de ne pas lâcher la mémoire.
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Alain Marillac, hypnothérapeute www.enequilibrebedford.com