Apprendre du client

Alain Marillac

J’adore l’imprévisible dans le métier que je pratique et dont je questionne sans cesse le nom trop réducteur.

L’hypnothérapie n’est pas « juste » de l’hypnose, c’est un accès infini à l’imaginaire et à la conscience que je ne cesse d’explorer au grès des mots.

Des dizaines de consœurs et confrères aiment la routine, le texte tout écrit, le jugeant presque adéquat chaque fois qu’une même problématique s’installe dans le fauteuil. Quel que soit l’individu. Cela leur appartient.

De mon côté, je pense n’avoir jamais dit deux fois la même suggestion ciblée. Bien entendu, il y a les phrases routines, la plage dont le sable devient familier; mais, ce qui me fascine, c’est à quel point, plus on comprend l’individu face à soi, plus on devient proche de sa pensée, de sa « mécanique » et donc de son mieux-être.

En contact avec le vivant de l’être, on accède à ce qui fait son essence. Plus fascinant encore ce sont les découvertes qui se font à partir d’un cas X versus ses similaires pourtant si distincts.

Chaque fois, c’est pour moi la confirmation de la diversité, surtout lorsque l’innovant émane de l’anamnèse. Ce questionnement du patient visant à trouver son âme au-delà d’un mal quelconque. Il suffit, le plus souvent, d’une interrogation anodine pour que surgisse une forme de révélation. Non! Soyons plus modestes… : pour que surgisse une solution.

Récemment, c’est un jeune patient qui m’a apporté un axe différent dans la manière de lui présenter les mots destinés à l’aider. Pour être bien dans sa tête et dans son corps son refuge consistait à se lover dans une « matière » noire et enveloppante. Son imaginaire, sa sauvegarde personnelle, lui avait fait opter pour un univers sans reflet ni lumière, mais chaleureux pour lui.

Immédiatement cela m’a fait penser à la technique du « packing ». Une contention très controversée, utilisée notamment pour certaines formes d’autisme ou pour la prise en charge de patients adultes psychotiques. Cela m’a aussi ramené en mémoire le travail de Temple Grondin auprès du bétail et son mécanisme à contention qu’elle avait élaboré pour rassurer les vaches. Une installation qui évoluera vers sa machine à câlin destinée à calmer les personnes hypersensibles.

Un fouillis mental, peut-être! Mais ce sont ces détails qui justifient, pour moi, d’avoir la tête farcie d’anecdotes et d‘expériences toutes délirantes, voire brillantes qu’elles soient. La simple mention de cette noirceur apaisante m’a donné une clef pour le rejoindre et avec lui bien d’autres encore.

J’avais lu que des chercheurs suisses, parmi d’autres, affirmaient que le pack permet aux patients de reprendre conscience des limites et de l’existence de leur enveloppe corporelle, de rétablir en quelque sorte les lisières de leur rapport aux autres.

En 2009, un patient a également livré son témoignage lors d’un congrès à la Haute École de santé Vaud (HESAV) de Lausanne. Devant plusieurs dizaines de médecins psychiatres, infirmiers, psychologues et étudiants, il rapportait sa cure de 194 séances de pack, entamée après une décompensation psychotique. Une approche «bénéfique qui lui a permis de passer de l’état de zombie à celui d’homme qui a retrouvé sa structure».

Mais je n’avais jamais rien lu ni vu, à propos d’une personne qui le fasse instinctivement et intérieurement. La suite était relativement simple. Il s’agissait de souffler la vie dans cette enveloppe et la rendre agissante. La direction me revenait; la prendre lui appartenait.

Désormais, cette approche mentale fait partie de mes outils potentiels. Il existe la réalité d’un pack psychique qui atteint les mêmes  résultats sans les désagréments. Tout le processus peut être suggéré. Alors, partant de la fraicheur proposée, le patient déclenche une importante vasodilatation et le corps se réchauffe en quelques minutes. «Et il se produit un effet relaxant indéniable en fin de séance.»

À mon sens, 90% du temps la solution vient de la personne qui nous consulte, c’est elle qui habite son corps, sa tête et ses dérives. Ce qui nous revient c’est une écoute totale. Pas seulement des mots, mais de ce qu’ils cachent, des gestes et de leurs aveux, des émotions et de leurs pulsions. Tout cela suppose de ne jamais s’enfermer dans une durée fermée ou une approche préfabriquée. Le mot qui écarte les grilles, se glisse, le plus souvent, juste avant la fin et il est important de l’entendre, de le décortiquer et de le transformer en acte.

En blague je dis souvent que c’est un job de fainéant puisqu’il suffit de redonner ce que l’on nous offre. Dans la réalité, c’est un aiguisement des sens à perpétuité. C’est aussi un cumul de surprises puisque chaque définition apparente enferme sa résolution distincte.

Je bénis donc la pratique de me garder allumé afin que la plus petite flamme m’éclaire vers l’idéal. Il n’y a qu’une voie : accueillir l’humain.


 Alain Marillac, hypnothérapeute

www.enequilibrebedford.com

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2 réflexions sur “Apprendre du client”

  1. Carole Laurendeau

    Vraiment un texte extraordinaire pour dire combien l’Être est unique en soi. D’ailleurs, dans l’Unique de l’Être. est mon slogan.

    Vous rejoignez totalement ma philosophie d’accompagnatrice. La complexité de l’Être est tellement large qu’on ne peut accompagner chacun d’une façon identique. Il reste toujours une variante à laquelle on se doit rester ouvert,

    Bravo pour votre grande ouverture à l’humain et pour l’intérêt de recherche constante à l’idéal.

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