Avatar malléable

Alain Marillac

Récemment, j’ai découvert puis exploré, les outils d’immersion virtuelle. Après le simple décor de fond, style écran vert de télé, j’en suis venu au décor 360. Puis avec le casque Quest II j’ai fait entrer ma réalité. C’est-à-dire rencontrer le patient (qui possède lui-aussi un casque), à distance, dans un lieu virtuel issu d’un menu ou, recréé pour l‘occasion.

Avec de l’aide, j’ai ensuite exploré la capacité à introduire du matériel dans ce monde virtuel commun : des images ou des textes notamment. Mais aussi d’entrer dans une salle de création (déjà existante dans les choix) pour permettre au sujet de dessiner, sculpter ou matérialiser ses « démons ».  Participer ainsi à l’univers de l’autre et, « idéalement » pouvoir l’altérer progressivement, est une avenue de travail fabuleuse.

Ce qui m’attire principalement dans ce monde c’est le côté malléable de l’information. Le cerveau « sait » que ceci n’existe pas et que pourtant tout peut y être juste. On peut y aborder des thèmes effrayants, heureux, stressants ou totalement innovants.

Voilà plus de dix ans que j’imaginais ce que je fais aujourd’hui, dans un monde virtuel qui balbutie. Je suis actuellement heureux et déçu. Il y a tellement longtemps que j’attends ces outils que, de les voir encore si peu performant, me place dans l’attente d’une autre étape que je crains lointaine. Cela a, au moins, l’avantage de faire naître des questions que je vous partage ici.

Tout d’abord, dans plusieurs domaines distincts, les avancées de la science sont notables mais non utilisables à court terme : senseur de molécules olfactives ou sensorielles, développement de matériaux permettant de ressentir un touché en lien avec un objet abstrait etc. Des années que je lis des articles sur ces sujets. Mais où sont les réalisations fonctionnelles? Où est le casque qui me permettra, non seulement, de retrouver un client dans un monde virtuel mais aussi de pouvoir, avec lui, construire, à volonté, l’environnement VAKOG idéal.

Toutefois, et c’est là qu’arrive le train des questions, il m’apparaît de plus en plus un autre manque, celui des règles dans ces mondes en devenir. Tant et aussi longtemps que le contact physique avec le client est nécessaire pas de problème, mais lorsque la parole suffit cela diffère. En coaching, hypnothérapie, psychologie ou psychiatrie le virtuel pourrait devenir une alternative efficace. La programmation permet de s’adresser à un seul individu, ou à un groupe, et de choisir le cadre des rencontres.

Le contexte actuellement connu est celui de deux personnes dans un même bureau. Le patient est le seul à être dissocié, une fois ou deux, mais le lien est maintenu par la voix et la proximité physique.

En virtuel, techniquement, nous sommes alors, au minimum, devant deux personnes dissociées : le thérapeute et le patient tous deux représentés par un avatar au sein d’un lieu d’échange.

De ce lieu fictif le thérapeute va, par exemple, procéder à une seconde dissociation du client pour l’amener, en imaginaire, sur un autre site (dans le futur une seconde imagerie virtuelle) pour explorer une situation X. Ce travail se fera via un double du premier avatar, ou, par le biais d’un autre avatar adapté à ce second contexte.

L’avatar du thérapeute, lui, se retrouve dans la position habituelle du bureau. Mais sans présence réelle.

À partir de là, si l’avatar 1 ou 2 du client est au prise avec une abréaction, le thérapeute devra intervenir mais avec qui et comment? Il est certain que le seul objectif est d’aider le patient réel mais le thérapeute étant lui-même au sein d’une représentation, c’est elle qui devra agir sur un ou deux avatars avant de ramener le sujet dans son fauteuil réel.

Ce n’est pas si compliqué si l’on a l’entraînement et une facilité à jongler entre tous ses niveaux. Mais, en cas de problème complexe, qui est responsable? Mieux encore, le virtuel éliminant les frontières mon client peut se trouver en Europe, en Afrique, en Australie ou en Asie, quelles sont les lois et responsabilités qui s’appliquent ? Et quelles sont les sécurités à instaurer pour être certain que le client va bien?

Je n’ai vu aucune association réfléchir à ces options, même en considérant seulement deux personnes à cent kilomètres l’une de l’autre.

Lorsque je dis que, cela fait plus de dix ans, que je suis déjà mentalement dans ce cadre de travail, imaginez où je me trouve aujourd’hui? Je vois tous les outils disponibles et toutes les options à portée de main mais personne ne songe au cadre et à la mise en pratique de l’ensemble.

Le contexte est, pour moi, similaire à celui des drones. L’Angleterre vient de lancer un programme expérimental de gestion des drones de livraison, sur 100kms. Imaginez l’altitude moyenne, les descentes et les montées de dizaines d’engins en même temps. Au Canada, rien. Pourtant, entre Montréal et Mirabel, par exemple, il y a de quoi tester tout ce que l’on veut.

Dans plus ou moins dix ans d’ici nous allons user largement de ces technologies, mais il faudra acquérir des compétences, une initiation, des formations précises, surtout si l’on parle de sensations réelles, d’immersion mentales à choisir et, d’un cadre de travail qui amène le thérapeute à être lui aussi, en permanence, en immersion dissociée.


Alain Marillac, hypnothérapeute, auteur, archéo-hypnologue

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