Les rites et rituels : le retour au sacré

Josée Lafleur

Nous sommes de plus en plus nombreux à sentir l’appel du Sacré.  Nous sentons le besoin de nous reconnecter à quelque chose de plus grand que soi.  Parce que beaucoup d’entre nous avons délaissé l’église, nous nous sommes involontairement éloignés de rites et rituels qui avaient pour but de nous rapprocher du Divin.  Je pense au baptême, à la première communion et d’autres rituels qui, à l’époque donnaient en sens à notre incarnation. Prenons le temps de démystifier rites et rituels et leurs bienfaits.

Qu’est-ce qu’un rite de passage ?

Un rite de passage est une expérience que l’individu vit pour mettre en relief son changement de statut social ou sexuel.  Ces cérémonies sont des occasions de renforcer le lien entre la personne et sa tribu, l’ancrant davantage dans sa culture d’origine.  Lors de ces rites, les anciens en profitent pour transmettre les valeurs de la communauté et les notions de vie en collectivité.  Chaque cérémonie est créée afin de restaurer la confiance en la vie, l’estime de soi et l’image de soi.  Ces rites deviennent aussi des points de référence, puisqu’ils structurent en étapes les différentes tranches de vie de l’individu.

Les peuples de la terre ont leurs rites de passage qui « sont des sauts qualitatifs parfois brutaux où chaque étape de la vie devient une métamorphose »[1].  On dit brutaux car selon le rite, la personne devait passer à travers de certaines épreuves physiques et morales qui au final, allaient libérer des potentialités insoupçonnées.  Ces épreuves, qui de l’extérieur avaient une allure violente, faisaient plutôt appel à l’endurance et la résistance à l’effort.

Un rite initiatique que je trouve particulièrement intéressant et que l’on retrouve chez plusieurs tribus est « la quête de vision».  Ce rite, vécu à la puberté, consiste en une expérience existentielle dont l’objectif principal est de préparer l’adolescent afin qu’il devienne  un adulte responsable et engagé dans sa société

Pour l’indien, une quête de vision se fait lorsque l’on «pleure pour un nouveau rêve» et où on doit mourir à soi afin de renaître à nouveau.

Le lakota-sioux Archie Lama Deer parle :

« Hanblecheya  signifie «  pleurer  pour une  vision ». Cela  veut dire partir en quête de  vision tout seul dans  la montagne, peut-être s’écrouler sur un rocher et rester là sans manger pendant quatre jours et quatre nuits en priant pour une réponse des esprits. (…) Pour avoir la vision, vous devez vous donner complètement.  C’est presque comme mourir sauf que vous revenez. C’est une des choses les plus difficiles qu’un homme puisse expérimenter. … »

Ayant perdu cette sagesse, certains organismes organisent des quêtes de vision en fournissant le support nécessaire à cette expérience.  Afin que cette quête donne un sens à notre existence, on suggère de pratiquer ce rite lorsque l’on sent que nous sommes à la croisée des chemins, que notre vie stagne ou qu’on se sent en errance.

Qu’est-ce qu’un rituel ?

Un rite de passage peut être considéré comme un rituel, mais certains rituels ne sont pas nécessairement des rites de passage.  Malgré tout, les rituels ont tous le même objectif : entourer d’un caractère sacré certains de nos gestes.

Un rituel couramment pratiqué par les Amérindiens et riche d’enseignements est les «moon lodge» ou «hutte de lune».  Traditionnellement, ce temps du mois où les femmes avaient leurs menstruations (expression : avoir ses lunes) était considéré sacré.

La lune a toujours été vue dans toutes les traditions chamaniques comme étant une grand-mère (polarité féminine), tandis que le soleil (grand-père) possède une polarité masculine.  Nous savons que la lune influence les marées (l’eau, considérée être le sang de Terre-Mère), mais également d’autres liquides comme le sang et les liquides menstruels.

De par sa connexion à l’élément eau, la lune permet le déploiement des émotions.  Par conséquent, les huttes de lune étaient le temps du mois où ensemble les femmes pouvaient laisser leur nature émotive s’exprimer.  C’était également un temps pour prendre pleinement conscience du côté créateur, fertile et réceptif de leur nature féminine.  Tout comme Terre-Mère qui porte en elle toutes les semences, les femmes ressentaient l‘abondance derrière leur capacité de création.  À l’image de Terre-Mère, l’amour, la compassion et l’entre-aide étaient expérimentés.  Non seulement ce temps aidait les femmes, mais amenait dans la communauté des énergies que tous pouvaient par la suite utiliser.

Nos sociétés occidentales dites évoluées auraient-elles remplacé nos «lunes mensuelles», phénomène féminin naturel, par le syndrome prémenstruel nécessitant une visite chez le médecin, syndrome maintenant médicalisé et traité par des antidépresseurs ?

Où en sommes-nous en tant que civilisations occidentales ?

En tant que culture civilisée, nous croyons fermement aux bienfaits de l’éducation qui permet de transmettre le savoir selon une progression lente, soutenue et régulière.  Par contre, nous avons beaucoup de carence en rites soit parce que nous nous en sommes éloignés ou soit que nous les avons dépossédés de leur sens.  Les cultures qui perdent la pratique de ces rituels voient souvent leur jeunesse se perdre également.  Ces jeunes se voient alors dans l’obligation inconsciente de se créer par eux-mêmes leurs propres rituels que l’ethnopsychiatre Tobie Nathan appelle des «rites de substitution».  Non encadrées, ces expériences peuvent être traumatisantes, dangereuses et enrobées d’une violence gratuite.  Au lieu d’aider le jeune à passer d’une étape à une autre, ces expériences retardent le cheminement vers l’âge adulte.

Voici quelques exemples de rites de substitution : les fameuses cascades du groupe Jackass, le surf en voiture, les raves.  Tous ces rites reflètent souvent chez l’adolescent le besoin de se confronter à des épreuves à fortes doses d’adrénaline, mais où le caractère sacré et spirituel ne sont plus présents.  Personnellement je crois que lorsque le sacré devient profane, les fruits de l’expérience initiatique ne sont probablement plus en lien avec l’évolution spirituelle de la personne.

J’ose espérer que le retour vers certains rituels et rites initiatiques saura réveiller chez nous tous, mais surtout nos jeunes,  le goût du sacré.

 

Josée Lafleur

[1] Herview-Wane, Fabrice, Les nouveaux rites de passage, une transmission expérientielle, Biennale Internationale, communication n◦ 96-Atelier 16.

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