Le trouble somatoforme

Josée Durocher

La soirée s’annonçait palpitante.  Mon fils et moi allions assister à la conférence d’un ami très cher et porte-parole de Phobies-zéro. Le titre de l’événement était « Anxieux à heureux » et nous étions justement très heureux de participer, même si mon Dominik, mon fils, était des plus anxieux…

Dès notre arrivée, on nous a accueillis les bras ouverts.  Cela augurait bien et nous étions contents. Nous nous somme dirigés vers le fond du grand hall où différents organismes tenaient kiosques afin d’informer les participants des ressources en santé mentale offertes dans les villes avoisinantes de la nôtre.

Nous avons immédiatement reconnu Patrice, notre cher ami, qui, installé à la première table, signait des dédicaces de son livre. « Guérir à gorge déployée » en est à plus d’un tirage et Patrice Coquereau, sympathique comme toujours, souriait et bavardait avec les gens allant à sa rencontre.

Après notre petite jasette et après nous être promis de nous reparler plus tard dans la soirée, mon fils et moi nous sommes dirigés vers la salle de conférence.  Déjà, je sentais que quelque chose clochait du côté de ma progéniture…

Dominik a été diagnostiqué en tant qu’autiste Asperger le 4 janvier 2018, à 26 ans.  Vous serez peut-être surpris d’apprendre qu’il est plus que fréquent que des adultes soient ainsi diagnostiqués.  Je dis souvent à la blague qu’il est passé sous le radar lorsqu’il était plus jeune et ce n’est pas tout à fait faux!

Toujours, j’ai su qu’il était différent mais devant l’insistance des « pros » rencontrés tout au long de sa vie à me dire que tout était ok, j’ai plié. J’ai plié ainsi jusqu’à l’année dernière où, forte de plusieurs discussions avec des autistes Asperger, je suis devenue rapidement convaincue que mon fils l’était également.

C’est un neuropsychologue qui nous a, après une étude très exhaustive de ses comportements, appris que mon fils, comme tant d’autres d’ailleurs, est autiste. Quel soulagement! Vraiment! Enfin, on répondait à son besoin identitaire, lui qui s’était toujours dit qu’il ne ressemblait à personne.

Bien que plusieurs des comportements de Dominik soient des trucs qu’il peut bien gérer, la chose la plus handicapante pour lui est son anxiété.   Et quand je vous parle d’anxiété, ce n’est pas une mince affaire!

Les spécialistes s’entendent pour dire qu’Il souffre d’un trouble somatoforme. Afin de vous vulgariser la chose, dans le cas de mon fils, ce trouble se traduit par de pseudo-crises épileptiques partielles avec absences lorsque trop anxieux.

cerveau

Chaque fois, il doit, après coup ou avant s’il a la chance de voir venir la crise, expliquer aux gens qui l’entourent et qui le voient faire ça pour la première fois, ce qu’est un trouble somatoforme et de quoi il en retourne.

Si nous revenons à cette soirée-conférence, Dominik s’était porté volontaire pour m’accompagner ce soir-là.  Et moi, j’étais bien heureuse de le voir se proposer ainsi puisque cela signifiait qu’Il ne laisserait pas l’anxiété gagner plus de terrain.

Par deux fois, il est sorti de la salle avant que la conférence ne commence parce qu’il avait du mal à gérer ce qu’il vivait intérieurement et qu’il souhaitait éviter une crise. Et lorsqu’il était présent, il avait le regard un peu hagard, il transpirait et serrait les dents.

Nous aurions pu imaginer avec facilité que Dominik soit victime d’une crise durant la soirée. Cela l’aurait épuisé et nous aurions probablement dû quitter pour la maison, mais il n’en fut rien.

C’est moi qui n’allais pas ce soir-là.  Prise d’un malaise de plus en plus présent, j’ai demandé à mon fils, sans trop réfléchir, d’aller prévenir notre ami Patrice de notre départ imminent puisque je ne pouvais plus participer à la soirée.

Croyez-le ou non, mon grand gaillard n’a pas hésité une seconde à traverser la salle bondée de monde pour aller parler à notre ami. Qui plus est, il se trouvait au beau milieu de cette salle et Dominik s’est dirigé vers lui comme une flèche.

Tout à coup, il ne réagissait plus à son anxiété, mais bien au fait qu’Il voyait sa mère être mal. Son attention était redirigée sur moi si bien qu’il n’a pas fait de crise.

Je crois, pour l’avoir déjà moi-même expérimenté, que nous pouvons focaliser notre attention sur autre chose que les éléments paniquants dans notre vie ou dans différentes situations données.

Cela prend beaucoup de pratique afin d’y parvenir et ce n’est certes pas une chose facile, mais c’est réalisable. Cela fait penser à la fameuse image qu’on tente de s’imaginer quand on doit parler devant un groupe. Suis-je la seule à imaginer tout le monde en sous-vêtements (rires)?

Cela nous oblige à perdre nos repères fragilisés pour les changer par des repères plus solides ou comme dans l’exemple ci-haut, complètement saugrenus.

Depuis, je me suis rétablie et mon fils a pu se réjouir de ne pas avoir fait de crise et d’avoir su réagir de façon opportune, le moment venu.

Il se souviendra longtemps de cette soirée comme d’un moment inoubliable où il a, avec beaucoup de courage, détourné son attention pour me venir en aide.

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