Quand l’habitude devient TOC

Alain Marillac

J’« écrivais » voici peu que nos clients nous en apprennent toujours plus. Et, bizarrement, nous avons tout à coup plusieurs cas qui arrivent en même temps concernant une problématique similaire. Aujourd’hui je voudrais aborder avec vous l’habitude qui vire en TOC.

L’amusant de l’histoire est que, dans un autre article, je parlais des rituels à installer chez soi pour bien ancrer un esprit de travail fonctionnel. Tout débute toujours là. Mais la répétition doit avoir une fin.

Par exemple, on ne cesse de vous dire à quel point le rituel du matin est apaisant, qu’il participe à une bonne préparation de la journée, surtout avec un petit déjeuner équilibré. OUI, tout cela est exact, à la base. C’est la dérive qui devient problématique, une dérive qui semble s’installer avec le temps, l’âge peut-être, mais surtout la stagnation de l’écologie personnelle. Le récent confinement en a fait exploser les séquelles.

Lorsque l’on s’installe chez soi, en appartement ou dans une maison, on bouge les meubles, les tableaux, les vases, divans et fauteuils, etc. jusqu’à ce que chaque chose soit « à sa place ».

Terrible terme que cela. Dans l‘idéal, il faudrait garder son univers en mouvement perpétuel. Mais on n’a pas les moyens, pas la place, pas l’envie. C’est là que l’on vit et qu’on se pose pour être bien. Notre espace devient un univers immuable quasi inconscient où l’on peut se déplacer sans lumière en pleine nuit. Un univers de non-voyants.

C’est à partir de ce monde que l’on ne voit plus que l’on va construire inconsciemment de la stimulation tout aussi inconsciente. En fait,  nous sommes nécessiteux d’un plus, d’un stimulant. Alors, peu à peu on ajoute.

Je prends ma tasse de café et ma plante devant la fenêtre pour apercevoir le soleil ou au moins sa clarté. Mais je la vois mieux si j’éteins la lumière et encore mieux si je me place, là, juste à côté de la lampe sur pied. Je viens de créer un nouveau rituel à reproduire chaque jour jusqu’à ce qu’il perde son pouvoir de me mettre de bonne humeur; alors je vais lui ajouter un petit élément. Avec mon fauteuil, placé là en angle, j’aperçois plus de ciel, et je retrouve pour un temps mon bien-être. Le cumul des gestes procurant la recherche d’une paix intérieure ou d’une confirmation de la performance sont fréquents dans tous les milieux.

Tout le monde connaît Raphaël Nadal, grand champion de tennis, mais sportif croulant sous prêt de 21 gestes rituels qui renforcent sa persuasion de réussite. Nous sommes, là, au cœur de ce qu’ont mis en évidence les pigeons de Skinner un chercheur en psychologie de Harvard.

Il enfermait des pigeons dans une boîte avec de la nourriture. Lorsqu’ils picoraient les murs de la boîte, ils recevaient de la nourriture (la récompense). Skinner contrôlait l’intervalle de temps entre les récompenses, tandis que les pigeons imaginaient que c’était en picorant les murs de la boîte qu’ils obtenaient la nourriture. En variant le temps de récompense, Skinner a montré des déviances marquées du comportement des volatiles. Une des observations était la superstition chez les pigeons qu’un acte bien particulier générait la récompense. Certain battaient des ailes, d‘autres tournaient sur eux-mêmes, etc. persuadé qu’ils avaient généré LE « quelque chose » donnant accès à la nourriture.

Ne nous moquons pas trop vite, car ce comportement ressemble fort à celui que nous avons face à la technologie. Des actes compulsifs nous poussant à vérifier dix fois nos boîtes de réception, ou nos écrans de téléphone, etc. La psychologie parle de plus en plus, à ce propos, d’insight : la prise de conscience d’un comportement inconscient.

Suite au confinement, surtout, au sein de nos univers immobiles, devenus invisibles, l’empilage de gestes rituels, de comportements et d’objets s’apparentant aux gris-gris africains est l’expression de notre inconscient qui cherche une porte de sortie.

Le cumul ne nous tue pas, il nous vide peu à peu. Les habitudes deviennent des dizaines de TOC qui drainent nos énergies. Comment en sortir?

La réponse est simple, mais pas forcément facile à mettre en œuvre, du moins au départ. Il s’agit de reprendre une vraie conscience de ce qui nous entoure, de bouger meubles et objets et en profiter pour élaguer, trier, donner et jeter. Ce dégrossissage extérieur va participer à une redistribution des cartes, à une revisite de notre environnement.

Le corps, en stimulant sa proprioception, va agir sur l’esprit. Tout à coup nos gestes rituels vont perdre leur utilité, car ils ne se trouvent plus dans un contexte figé. Certes, il va falloir de la persistance, le TOC redeviendra une habitude, et l’on s’appliquera ensuite à casser ces habitudes le plus souvent possibles.

Viendra ultérieurement l’œuvre la plus complexe : garder l’esprit dans un état pop-up, en alerte, en humour, en observation, bref dans une action perpétuelle qui lui permet, par instant, de s’arrêter en béatitude et d’atteindre des sommets « d’absence » ou d’extase.


Alain Marillac, hypnothérapeute : www.enequilibrebedford.com

Et https://www.mutationexponentielle.com/

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