Thérapie et rapport de force

Alain Marillac

J’ai plusieurs fois évoqué l’apport des clients dans notre apprentissage constant et notre adaptation aux réalités fluctuantes. J’aimerai aborder ici un de ces aspects : le rapport de force… désiré par le client.

Les Hypnos le savent bien, il y a toujours quelqu’un qui arrive un jour en disant un truc du genre : « j’ai une migraine, tu m’endors et c’est fini » ou encore « Si tu m’endors, je vais perdre mes cinq livres en combien de temps? » Bref! Un manque d’information bien connue dans cette discipline et beaucoup de travail pour renseigner et éduquer. Mais parfois arrivent des cas que l’on n’a pas vus venir.

Je reçois une jeune femme qui consulte pour un stress d’après séparation, à la base un contexte simple. Pas de trauma ici, pas de dépression juste un mal-être, donc pas de problème. C’est l’anamnèse qui, comme chaque fois, devient boîte à surprise ou boîte de Pandore. Ici, peu à peu, le récit de cet amour devient un exposé de rapport à l’autre, un art du dominant/dominé. Et surtout le récit d’une forme d’addiction à ce lien qui ne comporte, précisions-le, aucune violence. Juste une manière de s’exprimer, d’attirer, de rejeter, et de proposer des rencontres avec passions avant de les annuler négligemment, etc.

Plus la rencontre avance et plus la question intérieure qui m’occupe est : « que fais-je en cette galère? » Si la cliente veut vraiment creuser elle doit plutôt fréquenter un psy, pas moi. Toutefois, je me rends compte, à force de questions pour tenter de ME situer; que la personne en face de moi découvre elle-même, en cet instant, la nature de son rapport dans cette relation. Elle ne l’avait jamais exprimé.

Je mets donc les choses à plat en lui recommandant un autre type de consultation. Même si ce n’est pas fréquent, il arrive soit que l’on ne convienne pas comme personne ou comme professionnel. Comme l’heure est bien entamée je lui propose, qu’au mieux, pour cette unique fois, je puisse, l’aider par une détente et une hypnose légère.

Dans ce cas de figure, je décide donc d’utiliser la bonne vieille technique Elman qui établit une position d’égal à égal et permet au « sujet » de contrôler une bonne partie de ce qui se passe. Ma logique est que, dans son contexte, l’approche égalitaire est la meilleure option. La séance se déroule donc correctement afin de conclure cette rencontre qui, pour moi, clôt le cas.

Toutefois, le propos de cet article concerne la suite. Le retour. La cliente semble déroutée, affirme qu’elle aurait pu s’éveiller n’importe quand, ce qui est logique ici, mais surtout, ce que je saisis à cet instant c’est son attente réelle. Elle voulait rencontrer un hypnothérapeute, homme, qui agisse comme en show. Une forme d’autorité grandiloquente qui lui ordonne de dormir et d’obéir, bref elle voulait retrouver inconsciemment, en thérapie, le rapport qu’elle tentait de fuir, avant de l’identifier.

Je dois avouer ne pas l’avoir vu venir au départ; la prise de conscience a été progressive en cours de rencontre et il m’a fallu jongler au cœur de ce rapport étrange. Heureusement, le métier m’a fait choisir la technique Elman qui était le bon choix fonctionnel, mais qui « humainement » ne convenait pas. J’ose à peine imaginer ce qui s’en serait suivi si j’avais opté pour une approche plus « autoritaire ».

Ce que j’ai retenu de cela; c’est que, encore une fois, même si la problématique apparaît comme quasi « simpliste » il est essentiel de garder les oreilles ouvertes, d’autant qu’ici j’avais sous les yeux une personne qui prenait conscience, phrase après phrase de ce qui l’animait vraiment.


 Alain Marillac, hypnothérapeute

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